L’incroyable odyssée du « beau sabot » :
de l’atelier dans les Mauges aux concept-stores de New-York
Symbolique année que 2020 pour la famille Audouin : 130 ans que de père en fils et fille, l’on fabrique des sabots, cette chaussure traditionnellement rurale mais nouvellement « so » citadine !
Des origines du « sabot », l’on sait peu de chose… Pourtant, les mots, toujours, nous aident à entrevoir un peu de poésie derrière chaque objet, même le plus trivial en apparence. Nous retiendrons donc que la science étymologique évoque la « sabbat », une danse bruyante et tournoyante, telle une toupie, pour expliquer la formation du mot. Et qu’est-ce qu’un sabot si ce n’est une chaussure née du tournoiement de la vrille dans le bois ? Evidemment, l’élégant sabot à talon, avec sa semelle souple pour plus de confort, et ses tressages de cuir pailleté et coloré n’a presque plus rien à voir avec la grosse chausse en bois brut garni de paille d’autrefois. Pourtant, aujourd’hui encore, cela valse à l’atelier, côté bois comme côté cuir : taille de la « bûche », découpe, piquage, montage, bichonnage… Entre machines et petites mains, le « bosabo » se façonne avec pour principaux crédos l’amour du travail bien fait, un savoir-faire centenaire et des engagements éthiques et écologiques.
Chez Bosabo, on cultive l’art du paradoxe : en effet, qu’y-a-t-il de plus différent qu’un atelier désuet, installé sous les toits en shed traditionnels de l’industrie de la chaussure dans les Mauges et l’univers ultra sophistiqué des concept-stores parisiens ou tokyoïtes ? Antinomie aussi entre ceux qui produisent ces fameux « bosabos », une petite quinzaine d’ouvriers de la chaussure issus d’un milieu rural et industrieux et celles qui les portent, les fashionistas des plus grandes villes… Justement, c’est bien là toute la richesse « d’un patrimoine vivant » que représente dignement l’entreprise Audouin : Joël, Françoise, Alexis et Justine s’évertuent à créer un lien fort et inextricable entre la préservation d’un savoir-faire d’excellence et la création contemporaine… Leur récompense, un label précieux, « Entreprise du patrimoine vivant » et des commandes toujours plus nombreuses, à travers le monde ! Si, si ! Mais comment en est-on arrivé là ? Par le travail et une immense capacité d’adaptation créative !
Il était une fois Emile, sabotier ambulant au cœur des Mauges, qui de fermes en fermes transportait son savoir-faire pour chausser les familles paysannes. Après la Première Guerre mondiale, le fils Joseph, sédentarise l’activité en créant un atelier pour y installer la première machine à façonner les sabots. Son fils prend le relais mais après la Seconde Guerre mondiale, le travail se fait plus rare. Le 3ème sabotier du nom doit se résoudre à « partir » travailler dans une autre saboterie, à Montigné et l’atelier familial ferme. Le père de Joël qui a finalement racheté l’atelier Couteau de Montigné se doit de diversifier son activité car le sabot ne fait plus recette… malgré le court regain d’intérêt pour ce type de chaussure dans les années 70 ! Quand Joël et Françoise arrivent dans l’entreprise, dans les années 80, il faut à nouveau évoluer, s’adapter et rebondir ! Ce sera avec le sabot de sécurité, destiné aux personnels hospitaliers notamment. Mais la concurrence est rude et le prix à payer pour du « made in France » rebute parfois les clients. Si les cordonniers sont parfois les plus mal chaussés, les sabotiers Audouin, n’ont pas, eux, les 2 pieds dans le même sabot ! Alors… il y a cette marque « Bosabo », créée du temps de la Saboterie Couteau, qui ne demande qu’à renaître. C’est ainsi qu’au milieu des années 80, la marque est relancée : le sabot à talon aux lanières de cuir fait de nouveau les beaux jours de l’entreprise familiale, représentant aujourd’hui 60% du chiffre d’affaires total…
Pourquoi on les aime tant ces « bosabos » ? Parce qu’ils sont d’un confort incomparable grâce à leur semelle en bois souple et flexible… parce que leur bois provient de forêts locales, en Pays de la Loire (leur fournisseur est le même depuis plusieurs décennies)… parce que le cuir naturel est teinté sur place par Joël lui-même… parce que l’on peut faire faire sa paire sur-mesure en choisissant son modèle, son style, son type de semelle, ses cuirs… parce que c’est 100% « made in France »… parce que la démarche écologique est sincère (matières premières française ou européenne, déchets de bois recyclés, produit pensé pour sa durabilité). De grandes marques savent tout cela : à l’atelier de Montigné, l’on travaille pour et avec Agnès B, Côté Lac, Bonton, Bellerose… Et les « bosabos » se retrouvent sur les étals de magasins prestigieux Merci ou Le Bon Marché à Paris pour ne citer qu’eux. Malgré ces atouts et un produit hautement qualitatif, rien n’est acquis et il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier pour rester « dans la danse »… vous vous souvenez !
Comme il est dit qu’« ensemble on va plus loin », Alexis et Justine, les enfants de Joël et Françoise ont rejoint récemment leurs parents dans cette aventure. Il n’y avait aucune obligation… ce fut un souhait. Comme dans une chorégraphie, chacun tient sa place : Joël à la création, Françoise à l’administration, Alexis à la production et Justine à la commercialisation. Le ballet des sabots est donc bien rôdé. C’est ainsi que l’équipe Audoin, le sourire aux lèvres, avance et porte encore de nouveaux projets : lancer une nouvelle gamme de chausson d’intérieur et trouver une place dans le commerce local… où ils sont peu présents, un comble ! Alors, nous, on a hâte évidemment !
Bosabo : 4 rue des Amourettes – Montigné-sur-Moine 49230 Sèvremoine
www.bosabo.com / contact@bosabo.com
Rédaction : Isabelle Hallereau – Photographie : Delphine Saliou – Graphisme : Valérie Lefort.